Burkina Faso : une crise de régime aux multiples facettes

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Kosyam : Le palais présidentiel de Blaise Compaoré construit au delà du quartier de Ouaga 2000 où une partie de la garde présidentielle s’est mutinée jeudi 14 avril 2011

Dans la nuit du 14 au 15 avril une partie des militaires constituant la garde présidentielle s’est rebellée au prétexte de n’avoir pas perçu leur solde. Le phénomène s’est aussi étendu à d’autres casernes de Ouagadougou. Ils se sont livrés à des pillages et des vols de voitures dans différents quartiers de Ouagadougou provoquant l’exaspération des commerçants qui ont à leur tour manifesté. Blaise Compaoré a réagit en limogeant son gouvernement ainsi que le chef de l’armée et a décrété le couvre feu dans tout le pays. Depuis le 20 février, date de la mort de Justin Zongo, le Burkina Faso ne cesse de connaître des vagues de manifestations, d’insurrections de militaires avec une gravité qui va en s’amplifiant traduisant ainsi de plus en plus une crise de régime.

La crise s’avère en premier lieu politique. En novembre dernier si le Président Blaise Compaoré a été réelu avec plus de 80% des suffrages exprimés, ce chiffre ne traduit pas l’abstention qui a atteint un sommet particulièrement élevé. Ainsi le pays est peuplé de plus de 16 millions d’habitants. La campagne d’inscription sur les listes électorales en 2010 a été un premier échec avec seulement 3,2 millions d’électeurs inscrits sur 7 millions en âge de voter. En second lieu, même avec ce corps électoral relativement restreint, l’abstention a été forte avec seulement 1,78 million de votants. Finalement il faut interpréter les 1358941 voix obtenues par Blaise Compaoré comme le signe d’un désaveu de la population vis à vis d’une classe politique qui ne répond pas à son attente et qui peine à se renouveler.

La crise est aussi d’ordre économique et social. Le Burkina Faso fait partie des pays les plus pauvres du monde. Les paysans qui représentent encore plus de 90% de la population active peinent à vivre de ce qu’ils produisent. Cette pauvreté et cette insécurité alimentaire dans les campagnes s’accompagnent de la faiblesse du développement économique en zone rurale et des services publics d’où un certain exode rural. La spéculation sur les denrées alimentaires et la hausse des carburants pèsent lourd sur des populations au très faible revenu. Au Burkina Faso, une coalition contre la vie chère s’est formée regroupant syndicats et associations. Le 8 avril a été marqué par d’importantes manifestations qui ont atteint plusieurs dizaines de milliers de personnes à Bobo Dioulasso et Ouagadougou et concerné la plupart des villes du pays.

La crise est également d’ordre moral. Ce n’est pas tout à fait un hasard si la crise que connait le Burkina Faso est partie d’une bavure policière le 20 février à Koudougou, un temps maquillée en méningite, qui a couté la vie à Justin Zongo et à plusieurs autres victimes avec les émeutes qui ont suivi. Les mouvements de scolaires et d’étudiants révoltés par cette situation se sont manifestés dans pratiquement toutes les villes du pays avec des dégâts matériels particulièrement lourds dans certaines villes comme Ouahigouya et Koudougou obligeant le pouvoir à fermer les établissements scolaires pendant plus d’un mois.
Il est frappant de constater au Burkina Faso ce sentiment de défiance qui a gagné les acteurs de la société civile et les populations vis à vis du système judiciaire. Beaucoup dénoncent, comme le Mouvement Burkinabé des Droits de l’Homme et des Peuples, qui la pointait déjà en 2009, ce que l’on peut appeler l’impunité dont bénéficie la délinquance en col blanc. Que dire du fonctionnement de la justice quand ceux qui ont les moyens d’influencer (par le pouvoir ou l’argent) des fonctionnaires de la police ou de la justice peuvent obtenir un peu trop facilement l’incarcération de quelqu’un ?

C’est finalement la crise d’autorité qui constitue la principale menace pour le régime. Depuis près d’un mois, on assiste à des vagues d’insoumission dans l’armée qui avant d’atteindre la garde présidentielle avait touché plusieurs casernes aux quatre coins du pays. Ainsi des militaires se sont livrés, à plusieurs reprises, à des scènes de pillages entrainant même la mort d’une fillette à Ouagadougou victime dans son lit d’une balle perdue . Ces manifestations ont été aussi mal comprises par la population lorsqu’il s’agissait d’obtenir la libération de militaires poursuivis pour des crimes de droit commun comme à Ouagadougou ou Fada NGourma. Les commerçants exaspérés par les actes de vandalismes et les pillages ont à leur tour fait entendre leur voix en s’en prenant à divers bâtiments publics dont le siège du parti au pouvoir.

Retour sur les évènements qui ont mis le feu au poudre en février 2011

 Sur Afrik.com http://www.afrik.com/article22147.html
 Sur Africatime :http://www.africatime.com/burkina/n... et
http://www.africatime.com/burkina/n...
 Manifestations à Koudougou : La contagion gagne Ouagadougou, Ouahigouya, Poa... sur Fasonet : http://www.lefaso.net/spip.php?arti...

Les différentes prises de positions de la société civile

 Déclaration du collectif syndical CGT-B sur les événements survenus à Koudougou sur le site de Libération
Afrique http://www.liberationafrique.org/sp...
 Le Communiqué du Syndicat des Avocats du Faso :
http://www.citizensforearth.info/De... - Communiqué du Mouvement des « sans voix » du Burkina : http://msvburkina.blog4ever.com/blo...
 Le communiqué de presse de l’Association Survie
en France : http://survie.org/francafrique/burk...
A lire sur le site de la FIDH le communiqué condamnant les mesures d’intimidations dont a fait l’objet le MBDHP à la suite des évènements intervenus au Burkina Faso depuis le 20 février
http://www.fidh.org/Burkina-Faso-Le...
 Article sur le site du CADTM : http://www.cadtm.org/Burkina-Faso-c...
 Article de la Coalition contre la vie chère : http://www.lefaso.net/spip.php?arti...
 Article sur la position des partis d’opposition : http://directscoop.net/2011/03/25/l...
 A propos de la colère des magistrats et avocats http://www.lobservateur.bf/spip.php...

Retour sur la mobilisation du 8 avril organisée par la Coalition Contre la Vie Chère dans tout le pays

 Voir la vidéo de la manifestation de Ouagadougou sur afrik.com http://www.afrik.com/article22565.html
 Marche contre la vie chère à Tenkodogo en vidéo sur Youtube http://www.youtube.com/watch?v=PKxv...
 Sur Africatime http://www.africatime.com/burkina/n...

A lire aussi l’article "Burkina : Contre l’impunité et les alibis d’une démocratie formelle" sur Pambazuka News

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