Limoges : Interview d’Ismaël Millogo sur la situation au Burkina Faso

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Interview d’Ismael Millogo – Président de l’Association des Burkinabé du Limousin à propos du coup d’Etat survenu au Burkina Faso le 16 septembre 2015

Que pensez-vous du coup d’état qui est survenu le 16 septembre dans votre pays ?
L’intervention du Régiment de Sécurité Présidentiel (RSP) s’est avérée inquiétante mais en tout cas pas surprenante au regard des pressions qu’il exerçait déjà sur les autorités de la transition. Plusieurs précédents se sont déjà produits au cours de ces derniers mois avec des actions de pressions non dénuées de menaces sur le gouvernement en décembre et février derniers. La manière d’avoir pris en otage le président et le premier ministre montre que cette action avait été préparée depuis longtemps. Il faut souligner que ces militaires ont agi en lien avec certains membres des mouvements politiques autrefois au pouvoir comme pour tenter de restaurer l’ancien régime. Les attitudes et les déclarations de la junte nous ramène aux années 1980 et on peut dire que par ce putsch, c’est tout le pays qui a été pris en otage.

Finalement les premières actions de la junte au pouvoir ont été de fermer certains médias et d’interdire les manifestations dans Ouagadougou. Que pensez vous de cette situation ?
La spécificité d’un coup d’état est d’entraîner la suspension de l’état de droit. Au delà de la remise en cause des acquis démocratiques, on peut être horrifié des exactions commises où déjà plus d’une dizaine de personnes ont perdu la vie et plus d’une centaine ont été blessées.

Depuis vendredi soir, la Communauté Économiques des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est lancée dans une action de médiation. Comment considérez vous cette initiative ?
La CEDEAO a contribué à l’aggravation de la situation en validant le principe que des personnes qui étaient inéligibles parce qu’elles avaient commis des crimes ou des malversations financières pouvaient se représenter aux futures élections. Il faut aussi se souvenir que la CEDEAO est présidée par le burkinabé Kadré Désiré Ouedraogo considéré comme un proche de l’ancien régime.

Une des principales critiques qui est faite au processus de transition est d’avoir interdit à certains candidats de l’ancien parti au pouvoir (CDP) de se présenter. Trouvez vous cela normal ?
Il aurait été plus intéressant de généraliser l’inéligibilité aux personnes impliquées dans des cas de malversations financières ou de crimes sans se limiter au CDP et ses alliés. Pour éviter ce "deux poids deux mesures", les autorités de la transition auraient dû avoir le courage d’aller plus loin. Toutefois ces insuffisances politiques ne justifiaient pas que les putschistes agissent de la sorte par une telle violence et un tel coup de force qui constitue une grave atteinte à l’encontre du peuple burkinabé et de la démocratie.

Dans ces dernières déclarations on voit Gilbert Diendéré s’accrocher particulièrement pour obtenir l’impunité des actions commises par la junte. Qu’en pensez vous ?
Accorder cette forme d’amnistie constituerait une énorme insulte contre l’état de droit et l’ensemble des burkinabés. Alors que la société civile (notamment le Collectif des organisations de masse et de Partis Politiques et la Coalition Contre la Vie Chère, l’impunité et pour les libertés) se bat depuis des années pour construire cet État de droit et apporter une réponse à la soif de justice de la population, il n’est pas acceptable que de tels crimes puissent rester impunis.

Dès le début de la crise, on a vu un fort mouvement populaire même si celui-ci a été particulièrement brimé sur Ouagadougou. Quel regard portez vous sur la société civile de votre pays ?
Je suis très satisfait et je me félicite de cette mobilisation. Le peuple burkinabé, la diaspora incluse a montré une fois de plus qu’il était capable de s’organiser en un fort mouvement social, qu’il a fait la démonstration de sa capacité à s’unir pour dire non et pour ne pas se laisser voler les acquis de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014.

Au soir du 22 septembre, il est difficile encore de connaître la suite des événements, qu’en espérez vous ?
L’espoir de poursuivre la construction de cet état de droit ne doit pas être remis en cause ; c’est pourquoi le peuple exige le départ du RSP, et demande un retour à un état constitutionnel normal et démocratique. Les militaires sont là pour défendre le territoire national, la population et leurs biens ; leur rôle n’est pas de s’immiscer dans la politique et de fomenter des coups d’État.

Tel que déterminé et uni actuellement, je pense que le peuple burkinabé rétablira au plus vite la situation pour que le Burkina Faso reprenne le chemin de la démocratie, de la paix et de la prospérité.

Propos recueillis par Guillaume Bertrand.

A lire le communiqué de l’Association des Burkinabé du Limousin (ABLIM)

A lire aussi l’article de synthèse Burkina Faso : Le point sur la situation de crise après le putsch

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