La Maison des Droits de l’Homme a proposé l’organisation d’une tournée en France de représentants de l’ONG Thydewa qui au Brésil et en Amérique Latine travaille avec des communautés amérindiennes. Elle s’est déroulée du 14 novembre au 2 décembre 2022 avec l’appui de divers partenaires [1]. La délégation était composée de deux personnes : Sebastian Gerlic (Président de l’Association Thydewa) et Atia Pankararu (leader de la communauté des Pankararu).

Parmi les principaux impacts que l’on peut retenir de leur visite est en premier lieu de nous avoir partagée leur vision du monde en revisitant le concept que l’on peut avoir de la citoyenneté. L’autre enjeu était celui de chercher à renforcer des partenariats avec eux et divers acteurs en France et en Europe afin d’approfondir les échanges et renforcer nos liens.

1 - Leur contribution pour nous aider à repenser l’ECSI et reconstruire un narratif pour un nouvel internationalisme :

Quelque soit le public rencontré, leur message portant sur le principe de resilience avec la mère Terre comportait une séquence de chant et/ou de danse rituelle dans le but de relier la réflexion à une forme de ressenti.

Dans leurs interventions ils ont largement contribué à vouloir requestionner notre façon de voir la solidarité, d’interroger la notion même de citoyenneté que nous portons. Nous parlons de citoyens du monde, mais ce qu’ils nous disent est largement plus profond : si nous sommes des citoyens de la Terre, nous sommes reliés à celle-ci car nos corps sont formés par des éléments qui viennent de la Terre. Il n’y a pas de séparation entre les humains et le reste de son environnement. Etre solidaire c’est être solidaire de tous les humains et les non humains. Il faut retrouver cette conscience que nous sommes constitutifs de cette seule planète et qu’il faut retrouver le sens du bien commun.

Il s’agit d’arrêter d’être anthropocentriste, et d’entretenir l’idée que l’homme a une position prééminente par rapport à la nature. Notre rapport à la nature ne peut se traduire que par l’exploitation et l’idée que la nature doit être maîtrisée. Il faut revenir à l’idée que nous sommes dans une interdépendance réciproque dans notre environnement et réhabiliter la notion de respect de celui-ci.

Toute cette vision a bien entendu des répercussions sur la nécessité d’avoir des rapports pacifiés entre les peuples du monde, du respect d’un certain nombre de principes comme la justice, la solidarité, les droits humains qui doivent intégrer aussi ceux du respect du vivant, des végétaux et de la Terre en général. Le système économique mondial doit être repensé afin de rendre effectives ces différentes notions.

L’autre apport de leur présentation est de souligner l’importance de ne pas fonctionner toujours avec la tête mais aussi penser avec son cœur : La notion d’amour pour la terre mère, la notion d’amour des autres sans distinction des espèces, du genre et autres différences. Pour Atia Pankararu, l’échange sur le plan intellectuel n’est pas suffisant, il y a aussi le rôle du cœur et de la spiritualité. Le recours à la culture et à la danse constituent des moyens primordiaux pour faire passer (partager) un message.

2 - Leurs attentes vis à vis des acteurs français et européens

L’idée de cette tournée avait pour objectif de renforcer des liens entre l’ONG Thydewa (et les communautés indigènes qu’elle regroupe) avec les organisations présentes en France ou en Europe afin de développer des nouveaux partenariats pour des échanges en terme d’éducation à la citoyenneté et la solidarité internationale ainsi que faciliter la circulation de l’information sur les réalités vécues entre chacun de nos territoires.
Sur le plan national la tache n’a pas été très facile d’avoir des rencontres avec des mouvements, tellement les têtes de réseau à Paris sont habituées à recevoir des délégations de peuples autochtones issus du monde entier ou même d’Amérique du Sud toute l’année.

Il faut retenir que la spécificité de l’action de Thydewa est qu’elle cherche à ouvrir les communautés autochtones d’Amérique du sud aux autres peuples du monde dans le but de tendre vers un narratif qui serait co-construit en commun à une échelle internationale. Il ne s’agit donc pas de porter simplement un discours de la défense des droits des peuples autochtones en faveur des peuples autochtones. A l’aune des actions qu’ils mènent chez eux de dialogue avec les autres communautés (Mouvement noir, Mouvement des sans terre, mouvement écologique), ils souhaitent partager leurs réflexions comme leur façon d’appréhender les réalités de notre monde avec les autres ONG et travailler sur le partage d’une vision commune à propos de l’avenir de la planète toute entière.

De façon concrète, cette tournée a permis de relancer le partenariat qui existe entre la MDH et Thydewa depuis 2005, de renforcer les liens établis avec le Mouvement ATD Quart-Monde, d’initier un contact avec le CRID dans la perspective de programmer de nouveaux échanges et de relancer des échanges avec Autres Brésil ou la Coalition Solidarité Brésil. Sur le plan local des contacts ont été initiés à travers la Région Nouvelle-Aquitaine ou relancés comme c’est le cas avec le RADSI Nouvelle-Aquitaine, l’association Court Circuit (Felletin) qui laissent entrevoir des implications dans des projets futurs.

3 – Retour sur les actions portées par l’ONG Thydewa et les partenriats déjà tissés avec la MDH

A l’origine l’association Thydewa soutenait principalement des communautés de la région du Nordeste avant de s’étendre à d’autres régions et d’autres pays (Argentine, Equateur). Leur action consiste à accompagner les communautés dans le renforcement de leur culture, à aller à la rencontre des autres mouvements et de la société. Plusieurs de leur programme vise à faciliter l’autonomie des indiens à s’approprier les technologies de l’information pour devenir les propres diffuseurs de leur culture et de leur vision du monde. Le fond des messages qu’ils portent concerne la défense des droits des peuples autochtones, la lutte contre le changement climatique et le respect de la biodiversité.

Depuis 2003, la MDH est en lien avec cette ONG avec l’idée de construire des campagnes qui s’inscrivent dans le champ de l’Education à la Citoyenneté et la solidarité internationale et en réciprocité.

- En 2005 une première tournée en France s’est construite en lien avec le Réseau des Lieux Associatifs de Création et de Solidarité (RELACS).
– De 2006 à 2007 la MDH a soutenu avec l’appui financier de la Région Limousin une campagne de Paix organisée par Thydewa et la communauté des Pataxo Hãhãhãe (Etat de Bahia au Brésil).
– En 2008 la MDH a accueilli une tournée d’indiens du Nordeste pour une campagne de paix en France et à Bruxelles.
– En 2009, la MDH et l’ONG Thydewa ont co-construit un atelier au Forum Social Mondial de Belem portant sur les indiens du Nordeste.

Le rituel Pankararu à écouter :

Pour en savoir plus :
– Retour sur l’interview réalisé lors de leur arrivée en France
– Le fil info MDH sur les indiens du Nordeste
– Une vidéo tournée au lycée agricole d’Ahun par Thydewa

4 - Le déroulé de la tournée de l’association Thydewa en France – 14 novembre - 1er décembre 2022