Syrie : La fin d’une ère tyrannique, symbole d’un potentiel espoir

Publié le : , par  Elise Cazale
Le nouveau drapeau de la Syrie après la chutte du régime de Bachar el-Assad
Image d’archive - Photo GB

Le 8 décembre 2024, le gouvernement de Bachar el-Assad a été renversé par une coalition de groupes d’oppositions armés, soit treize ans après le soulèvement de la population qui fut réprimé dans le sang et la violence. Cet évènement marque la fin d’une dictature de plus de 50 ans menée par Bachar Al Assad, et précédemment par son père Afez el-Assad représentant le parti Baas.

Le renversement du régime suite à l’ascension fulgurante des forces rebelles

Dans la nuit du 7 au 8 décembre 2024, les milices rebelles sont entrées dans Damas et ont renversé définitivement le régime, tandis que le président syrien déchu s’est probablement enfui à Moscou. Ces milices, fortement critiquées dans les médias français et considérées comme radicales sont avant tout des factions provenant de divers groupes. Pour comprendre qui sont-elles, il est nécessaire de revenir sur leurs fondements et leur objectif commun : renverser le gouvernement.

Ces « rebelles » constituent le groupe « HTC », majoritairement composé de membres du Hayat Tahrir al-Sham. Ce sont eux qui ont conquis le pouvoir en seulement quelques jours en ayant conquis rapidement Alep la deuxième ville de la Syrie, pour finir par remporter Damas, la capitale du pays.

Ce groupe tire ses origines du mouvement de contestation ayant eu lieu à l’encontre de nombreuses dictatures du Moyen-Orient nommé le « Printemps arabe ». Ce mouvement a tenté de renverser Bachar al-Assad lors du « printemps de Damas ». Néanmoins, les manifestants n’ont pas réussi à vaincre leur dictateur et de là est né ces groupes « rebelles ». En 2011, le terme désigne principalement l’Armée Syrienne Libre. Il s’agit d’une coalition d’anciens militaires et de civils, souvent considérée comme la première force rebelle après le début du conflit. Des groupes rebelles comme Ahrar al-Sham, Sultan Murad, et Liwa al-Mutasem se sont également implantés dans le nord de la Syrie. Au fil des années, l’Armée Syrienne Libre a perdu de l’influence en raison de tensions internes, et ses membres se sont ralliés progressivement au HTC qui s’est formé en 2017 grâce à leur chef qui a souhaité fusionner toutes les forces rebelles. En effet, c’est Abou Mohammad al-Jolani, qui est devenu le chef islamiste de cette coalition rebelle, désormais à la tête du pays. A la suite de sa scission avec Al-Qaida en 2016, il tente d’arborer un visage plus modéré et affirme n’avoir aucune intention de lancer des attaques contre l’Occident, contrairement aux groupes terroristes que l’on connaît. Son unique objectif était de renverser le gouvernement qui menait une politique extrêmement arbitraire.

En mars 2015 des militants défendant la cause d’une Syrie libre et démocratique se font agressés au Forum Social Mondial de Tunis
En mars 2015, la population et l’opposition subissaient les bombardements, la répression et les actes de barbarie du régime de Bachar el Assad en Syrie. La guerre hybride consistait aussi à mener une guerre d’influence à l’international comme ces militants libanais pro Bachar qui sont venus agresser des militants défendant la démocratie en Syrie et brûler leur drapeau durant la tenue du Forum Social Mondial à Tunis - Photo GB

La chute d’un régime extrêmement répressif

Bachar-el-Assad surnommé le « boucher de Damas » a mené une répression sanglante contre la population syrienne. En effet, « Le gouvernement [syrien] a commis des crimes contre l’humanité tels que l’extermination, le meurtre, le viol ou d’autres formes de violence sexuelle, la torture […] et d’autres actes inhumains », peut-on lire dans un document des Nations unies daté de 2016, et relayé par L’Orient-Le Jour. [1]

Des crimes de guerre ont également été commis.” A la suite des manifestations menées par la population civile en mars 2011 dans le cadre du « printemps de Damas », le président syrien se croit immunisé contre un soulèvement général. Il laisse ses forces de sécurité tirer sur les manifestants, les rafler et les torturer, ce qui contribue à la propagation de la colère", rappelle Le Monde. En effet, de nombreux intellectuels, enseignants et adhérents au mouvement de réforme sont arrêtés et emprisonnés en raison de leur opposition au régime. Selon les associations des droits humains, « plus de 100 000 personnes sont portées disparues depuis qu’Assad a donné l’ordre de réprimer dans le sang les manifestations en faveur de la démocratie de 2011 qui ont déclenché la guerre civile”, rappelle la BBC. [2] Durant son mandat, Bachar al-Assad, qui est également commandant des armées, mène une répression extrêmement brutale contre sa population, devenant une véritable guerre civile, qui a fait plus de 500 000 morts et a provoqué le déplacement de la moitié de la population. Pour asseoir son autorité, le dirigeant sanguinaire a toujours campé sur ses positions, et n’a pas hésité à utiliser des moyens répressifs contre son peuple. Le 21 août 2013, 1 200 habitants de la Ghouta, l’un des quartiers symbole de la révolte contre le régime, en banlieue de Damas, succombent par suffocation après une attaque au gaz sarin, dont de nombreux enfants. [3]

La libération de la prison de Saydana et l’enfer dans lequel vivaient les prisonniers illustrent les exactions du régime de Bachar Al-Assad. En 2017, Amnesty International a qualifié cette prison "d’abattoir humain". [4]

Le régime de Bachar el-Assad soutenu par des alliés stratégiques

La situation syrienne résulte d’une alliance politique avec l’Iran et la Russie qui sont des soutiens déterminants. L’alliance entre le régime iranien et le régime syrien date de la guerre entre l’Irak et L’Iran qui s’est déroulée entre 1980 et 1988, et s’articule autour de plusieurs revendications communes notamment la solidarité entre chiites, l’opposition contre l’État d’Israël et des motifs économiques. À partir de la fin de l’année 2012, l’Iran s’engage donc aux côtés des troupes loyalistes, notamment par l’intermédiaire de la force Al-Qods et du Hezbollah libanais. Téhéran fournit des financements, des armes, un soutien logistique, et assure l’encadrement. Le régime iranien soutient également l’économie syrienne, notamment par l’importation à crédit de pétrole. [5]

S’agissant de la Russie, elle intervient militairement en Syrie en 2015, à la demande du président Bachar el-Assad. Elle installe une base aérienne à Hmeimim, au sud-est de Lattaquié, ainsi qu’une base navale à Tartous, et fournit une aide au sol par le biais de forces spéciales, et des compagnies militaires privées comme Wagner. Elle effectue également un certain nombre de raids aériens et de tirs de missiles de croisière pour soutenir le régime. Comme les Iraniens, les Russes se rémunèrent également sur l’économie du pays, en particulier dans le secteur des mines et de l’énergie. [6] Cependant, depuis peu "L’évolution du contexte géopolitique fait que les rapports de force ont changé", souligne Bayram Balci, chercheur au Centre de recherches internationales de Sciences Po Paris. En effet, l’Iran est dorénavant préoccupé par le conflit israelo-palestinien, et la Russie empêtrée dans la guerre l’opposant à l’Ukraine. Leurs préoccupations internes ont donc réduit la portée du soutien militaire au régime de Bachar el-Assad, appuyant son affaiblissement.

Quel avenir pour la Syrie dans une région du monde en constante instabilité ?

L’effondrement du régime de Bachar el-Assad met un terme à des décennies de dictature baasiste, et a été acclamé par de nombreux syriens qui avaient fui le pays pour des raisons politiques. Plusieurs pays dont la France et l’Allemagne ont annoncé suspendre l’examen des demandes d’asile des ressortissants venant de Syrie, au vu de l’évolution de la situation politique du pays, mais l’avenir politique reste incertain.

L’accaparement du pouvoir par les rebelles islamistes inquiète cependant les minorités religieuses dont les chrétiens qui craignent de subir des persécutions et d’être soumis à un régime islamiste radical sans pouvoir pratiquer librement leurs croyances.

Enfin, la situation incertaine de la Syrie suscite de nombreuses interrogations puisque cet État se trouve dans une région du monde aux prises avec plusieurs conflits géopolitiques et de nouvelles alliances pourraient se créer. De nombreux spécialistes évoquent un risque d’embrasement, mais pour le moment l’heure est à la délivrance, signifiant la fin d’une dictature sanglante.

Pour en savoir plus sur la situation syrienne, voir l’article sur L’Orient XXI.

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