Importante rencontre internationale à Paris pour dénoncer les menaces que fait peser la dette sur la démocratie en Europe

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Table ronde de clôture avec Edwy Plénel directeur de publication du site Médiapart, Jean Marie Harribey d’ATTAC, Stéphane Hessel et Susan George

Dimanche 15 janvier 2012, deux jours seulement après l’annonce par l’agence de notation Standard and Poor’s et un an après la chute de Ben Ali en Tunisie, l’association ATTAC en partenariat avec le site Médiapart organisait une journée pour traiter du thème « leur dette, notre démocratie » qui a rassemblé plus de 800 personnes. Beaucoup ont reconnu, que cela faisait un certain temps, qu’une aussi importante réunion ne s’était tenue à Paris, avec une participation aussi variée d’associations, de syndicats français et d’acteurs internationaux venus des Etats Unis, du Portugal, d’Espagne de Grèce, d’Islande, d’Allemagne, de Tunisie et de la Belgique dont certains étaient là pour témoigner de la dynamique mondiale du mouvement des indignés.

En premier lieu, un grand nombre d’intervenants a pointé la crise de la dette telle qu’elle est vécue en Europe et qui montre d’une façon éclatante l’incompatibilité qu’il y a entre le capitalisme pur et dur qu’imposent les marchés et la démocratie. Raquel Freire représentante du Mouvement du 12 mars au Portugal a évoqué la notion de « démocratie de basse intensité » dans laquelle l’Europe sombre de plus en plus lorsque la classe politique se soumet aux dogmes néo-libéraux tout comme les diktats des institutions financières internationales et autres agences de notation. Ainsi la crise de la dette constitue, pour les marchés et l’oligarchie politico-financière, qui en contrôle le processus, la dernière arme pour soumettre les populations aux règles de l’austérité et imposer le démantèlement des acquis sociaux comme, ceux qui en France, furent définis par le Conseil National de la Résistance.

Dans les discours sur la dette véhiculés par les médias, trop souvent sans analyse critique, plusieurs omissions ou mensonges sont pourtant décelables. Dominique Plihon du Conseil Scientifique d’ATTAC a précisé que le poids des dépenses publiques en France, depuis le début des années 1980, était loin d’avoir explosé en restant stables au regard du PIB. Il faut alors pointer l’érosion fiscale et les recettes de l’Etat qui n’ont cessé de diminuer en faveur de ceux qui détiennent la finance. A cela il faut rajouter la question de l’évasion fiscale qui en France peut s’évaluer annuellement à la coquette somme de 40 milliards d’euros. La libéralisation des secteurs de la finance en Europe a ainsi préparé un terrain favorable pour amener les Etats à emprunter auprès des banques à des taux d’intérêts scandaleusement élevés et décidés en partie par les agences de notations. Le paradoxe a été également soulevé des Etats qui ne peuvent se financer par les banques centrales alors que la Banque Centrale Européenne a été mobilisée pour renflouer les banques à des taux d’intérêts qui sont 600 fois inférieurs à ceux qu’on impose désormais aux Etats.

Une Europe soumise à la logique des marchés et éloignée des attentes des citoyens pour faire le jeu des populismes

Une partie de l’après-midi a été consacrée à un débat stratégique sur la façon de traiter la crise à l’échelle européenne. Force est de constater, que la construction européenne s’est beaucoup faite à marche forcée pour répondre en priorité à la logique des marchés. Cette incapacité à répondre aux attentes sociales, ce déficit démocratique à l’échelle de l’Europe, renforcé par un sentiment d’impuissance des partis de gouvernements de centre droit ou de centre gauche à influer le discours Thatchérien « There is no alternative », sont autant d’éléments qui favorisent la monté des populismes en Europe. L’avènement d’un Viktor Orban en Hongrie, qui est toutefois de la même formation politique à l’échelle européenne qu’Angela Merkel ou Nicola Sarkozy, constitue un sérieux avertissement vers les dérives identitaires, attentatoires aux droits de l’Homme et à la démocratie auxquelles nous risquons de plus en plus d’être confrontés.

Pourquoi ne pas refonder l’Europe à travers une constituante ?

Si pour certains la solution peut passer en partie par une recherche de regain de souveraineté et de légitimité démocratique à l’intérieur même de chaque état, un fort courant s’est dégagé pour dire que l’Europe constitue une merveilleuse idée mais qu’il fallait imaginer une forme de refondation à travers le processus de mise en œuvre d’une assemblée constituante qui serait promue par la société civile. Pour y parvenir, le renforcement des alliances entre les mouvements sociaux des différents pays européens apparaît comme un point essentiel de cette nouvelle construction européenne.

Durant toute la journée, il y a eu une certaine abondance de propositions pour répondre à la crise de civilisation à laquelle le monde est confronté : redonner à l’impôt toute son importance et ses vertus redistributrices (revalorisation des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu), mise en place de nouvelles taxes type Tobin qui permettront de trouver de nouvelles formes de financements des états et des collectivités hors marchés, la restructuration de la dette ou son annulation poussée par la mise en place de comités d’audit citoyens... Il y a aussi la nécessité de prendre en compte les dettes induites car on a spolié des populations de leurs droits ou porté atteinte à l’environnement comme la dette des riches vis à vis des pauvres ou la dette des pays du nord en matière de pillage des ressources vis à vis des pays du sud.

Le mouvement altermondialiste est entré dans une nouvelle phase

Lors de la table ronde rassemblant divers mouvements d’indignés d’Europe et des Etats Unis

Pour Isham Christie du mouvement « Occupy Wall Street » Les révolutions dans les pays arabes et l’avènement du mouvement des indignés sont des évènements qui marquent que la mondialisation des mouvements sociaux est entrée dans une nouvelle phase : On est passé des rassemblements massifs en un point du monde (type Forum Social Mondial ou Rassemblent anti G8) à de vastes mouvements localisés qui s’inscrivent dans des territoires comme les places au cœur des villes. La création des forums sociaux a été aussi l’occasion d’élaborer, de remodeler une analyse sur la globalité du monde. Dans la phase actuelle on s’oriente vers une rupture encore plus prononcée avec les logiques dominantes pour essayer de préfigurer un nouveau modèle de société. En Islande, il y a cette initiative de nouvelle constitution qui est portée à l’origine par les habitants qui se sont soulevés contre le problème de la dette. En divers endroits du monde, il y a des projets pour tenter de refonder la démocratie qui passent tous par l’idée que les citoyens ne doivent plus simplement se reposer sur la démocratie représentative pour prendre leur destin en main.

Stéphane Hessel auteur des best sellers « Indignez vous » et « Engagez vous » est intervenu en fin de journée pour dire qu’il fallait être encore plus nombreux pour affronter l’oligarchie qui refuse la démocratie. Il faut être solidaire avec tous ceux qui sont opprimés. Il ne faut pas se laisser enrégimenter par les forces du marché. Il faut être courageux, ne pas céder, car nous savons ce qui est nécessaire aujourd’hui et que nous ferons demain.

 Pour en savoir plus voir aussi le site d’Attac France

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