Burkina Faso : Les défis de la sécurité alimentaire dans la Région du Plateau Central

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Début mars 2012, nous étions deux représentants de la Maison des Droits de l’Homme à rencontrer des acteurs de la société civile de la Région du Plateau Central dans le cadre du partenariat liant celle-ci à la Région Limousin appelé FASOLIM [1]. Plusieurs réunions se sont déroulées avec les organisations impliquées dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation. Il faut dire, que dans ce secteur là, les enjeux sont essentiels pour une population qui vit à plus de 80% des métiers de la terre.

Rencontre avec les organisations en lien avec le monde agricole à la Maison de l’Amitié de Ziniaré le mercredi 7 mars 2012
Parmi les organisations présentes il y avait le Réseau des organisations et des associations de la sécurité alimentaire durable (ROSSAD), l’ONG d’Appui à la Promotion des Initiatives Locales (APIL) ou l’Association Teel Taaba de Noungou

Le contexte est très préoccupant, dans la mesure où l’ensemble du Sahel connait des sécheresses de plus en plus fréquentes. Le déficit qui touche le Burkina Faso en matière de production céréalière pour la saison 2011/2012 atteint les 25%. Ainsi les mois qui viennent s’annoncent difficiles car ils correspondent à la période de soudure durant laquelle les populations ont épuisé leurs réserves et doivent survivre avant la prochaine récolte. Pour limiter les difficultés, l’Etat devra investir dans l’achat des céréales dans un contexte où le cours de ces denrée risque de flamber très nettement. Le gouvernement burkinabé [2] a même lancé un appel à la solidarité en ce début du mois de mars pour tenter de juguler cette crise qui s’annonce.

Pression démographique et accaparement des terres

La rencontre avec les organisations agricoles a permis aussi de relever bien d’autres aspects qui peuvent susciter des difficultés. Il y a bien sûr la pression démographique, qui dans le secteur proche de la capitale comme l’Oubritenga, peut poser des difficultés. Il y a le problème des familles qui ne sont pas en sécurité sur leurs terres car certaines d’entre elles sont la propriété de clans qui peuvent décider à tout moment de leur expulsion. Dans ce secteur, certaines terres sont aussi vouées aux appétits d’investisseurs privés qui souhaitent s’accaparer des terres proches de Ouagadougou.

Il a été aussi relevé que les femmes étaient particulièrement discriminées dans ce droit d’accès à la terre alors qu’elles jouent un rôle primordial dans la production agricole.

L’importante question du revenu des paysans

La culture de contre saison de l’oignon à Noungou grâce à la proximité du lac de Loumbila

La majeure partie des discussions avec les organisations paysannes a beaucoup porté sur la question des intrants et des semences. Ce sujet est complexe à traiter, tellement il est tentant pour des paysans d’utiliser les engrais qui facilitent l’augmentation de la production et d’adopter des semences qui peuvent mieux résister aux aléas climatiques. Il faut dire que ces deux questions conditionnent le revenu des agriculteurs qui souhaitent garder une certaine maitrise de leur production. L’association TEEL TAABA basée à Noungou (Commune de Loumbila), qui rassemble un grand nombre d’agriculteurs, a engagé un important travail d’investigation sur la question des engrais et des semences en ce qui concerne la culture des oignons.

Pour ce qui est des intrants, les inconvénients les plus souvent évoqués sont ceux d’induire un coût supplémentaire de production et de provoquer des problèmes sanitaires important en raison du surdosage des produits employés. Sur ce second point, on constate que les normes environnementales en vigueur en Europe sont très largement dépassées faute d’information de la population, parfois même des vendeurs. Les expériences réalisées à Loumbila ont montré qu’il y avait un réel avantage à beaucoup moins utiliser les intrants et adopter des procédures qui s’apparentent à l’agriculture biologique. Les oignons obtenus se conservent beaucoup plus longtemps et sont d’une meilleure qualité gustative. La conclusion, sur les essais réalisés, amène à favoriser une agriculture un peu plus raisonnée en matière d’utilisation d’intrants voir d’aller vers l’agriculture biologique. Dans le cas d’une agriculture complètement biologique, le fait de disposer d’une quantité de fumure suffisante peut rendre les choses plus complexes et le prix de revient plus élevé d’où un pas plus difficile à faire.

Pour ce qui est des semences, l’expérience est encore en cours pour évaluer leurs performances. Il s’avère cependant important pour les organisations agricoles de ne pas perdre la bataille du contrôle des semences. Certaines ont pointé plusieurs problèmes comme celui de devoir acheter des semences de plus en plus souvent en raison de leur moindre qualité et l’impossibilité croissante de les replanter. Il en va aussi du risque d’atteinte à la biodiversité et de la menace pour les agriculteurs de perdre la faculté de produire leurs propres semences.

Il est à noter qu’un programme a été engagé dans le cadre de FASOLIM pour former certains paysans à l’agriculture biologique avec l’appui du Lycée agricole de Verneuil sur Vienne. Par ailleurs, alors que la filière coton OGM se développe au Burkina Faso, ce même programme favorise ici la culture du coton biologique.

La libre concurrence mondialisée pour mettre en compétition des agricultures qui ne sont pas sur le même pied d’égalité

Les discussions ont permis de pointer une autre difficulté qui est celle de vendre les oignons à la ville et de chercher ainsi à favoriser les circuits courts. Certes les oignons produits à Loumbila se conservent de mieux en mieux, mais peuvent bien souvent pourrir sur place car ils sont très largement concurrencés par les oignons importés des Pays Bas. A Ouagadougou le sac de 50 kg d’oignons de Loumbila est vendu 30 euros quand le même sac d’oignons hollandais coûte 9 euros.

La formation et l’information comme moyens d’actions

L’importance de la conscientisation des populations sur les deux territoires
Action de sensibilisation en Limousin en novembre 2011 dans la cadre de la Semaine de la Solidarité Internationale avec la présence des partenaires burkinabé : Mathieu Nabi (salarié de l’APIL) et Jean Baptiste Ouedraogo (Président de la chambre d’agriculture du Plateau Central).

Les acteurs rencontrés, en terme de perspectives, ont souligné l’importance de mettre en place des actions qui facilitent la formation des producteurs, la sensibilisation et l’éveil des consciences parmi la population. Si la réalité de l’agriculture est très différente entre le Plateau Central et le Limousin, on retrouve certaines thématiques communes aux deux territoires telles que la nécessité de défendre le principe de la souveraineté alimentaire, de promouvoir les circuits courts, de développer une agriculture respectueuse de l’environnement et d’une bonne gestion de la ressource en eau. Dans les deux situations, on retrouve des actions similaires telles que la formation des acteurs, la sensibilisation et l’éveil des consciences, l’importance des réseaux et des échanges pour mutualiser les bonnes pratiques.

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