Lyon : Retour sur l’université d’été de la solidarité internationale

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L’Université d’été s’est ouverte à la Cité Internationale de Lyon le mercredi 4 juillet 2012

L’Université d’Eté du CRID a rassemblé à Lyon autour d’un millier de personnes du 4 au 7 juillet sur le thème « Citoyennes et citoyens solidaires, réinventons le monde ! ». La plénière d’ouverture, qui s’est tenue à la Cité Internationale de Lyon, a permis d’avoir un panorama de divers acteurs sociaux autour de questions aussi importantes que la défense des droits humains et les réponses à apporter dans cette véritable crise systémique qui frappe le monde d’aujourd’hui.

Fadel Barro ( journaliste et coordonnateur du mouvement citoyen sénégalais « Y’en a marre » ) : Pendant une année la jeunesse s’est levée pour ne pas laisser faire les politiques en place. Il y a eu les dépenses somptuaires pour faire, par exemple, des monuments pendant qu’il y avait des coupures d’électricité entrainant des décès dans les hôpitaux. Avec le mouvement Y’en a marre, il y a la prétention de ne pas faire un mouvement politique tout comme celle de ne pas reproduire des organisations associatives classiques d’intellectuels qui n’ont pas prise sur la masse. Le mouvement Y’en a marre est l’expression d’un ras le bol. Nous sommes les acteurs du changement et avons fait une pétition qui a réuni 800 000 signatures, il s’agissait d’inciter les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales. Les nouveaux moyens de communication ont joué un rôle important comme l’utilisation des sms : ma carte, mon âme. Le 23 juin 2011, nous avons fait un vaste rassemblement pour empêcher que Wade impose sa loi ce qui a coûté la vie à 11 personnes. Après le départ de Wade, quand le défi a baissé d’intensité, la mobilisation a baissé ou on risque se faire récupérer. Depuis, Nous ne sommes pas restés inactifs nous avons ouvert des chantiers sur l’environnement , la démocratie, la formation, faciliter les initiatives des jeunes. Nous avons refusé des postes de ministres, pour changer de système, il faut faire un autre système à côté pour ne pas être phagocité par le système. Que deviendra l’Europe si le sud retient ses ressources ? Les nigériens sont dans le noir et les français profitent de l’uranium extrait dans le pays. Il faut que l’on fasse le bilan de notre engagement : construire à partir de ce que nous sommes et mettre en veilleuse les partis politiques.

Mama Koité Doumbia (Responsable syndicale au Mali) : Nous vivons dans une société patriarcale d’où ce poids allant à l’encontre de l ’émancipation de la femme africaine. Il y a toujours un grand fossé entre les engagements et la réalité. Le protocole de Maputo pour la disparition des discriminations des droits de la femme a été adopté en 2003. En 2004 au Sommet de l’Organisation de L’Union Africaine seuls sept pays sur 53 avaient ratifiés le protocole dont paradoxalement le premier fut la Libye. Quand les dirigeants se retrouvent, c’est la belle vie des grandes déclarations. Seulement 32 pays ont ratifié ce protocole en 2012. Moins de pays ont traduit ce protocole en droit national. Il y a le problème de la participation des femmes qui sont majoritaires en Afrique mais qui désignent des rois qui sont des hommes à la tête des Etats. Pour ce qui est du Mali, la situation a changé en mars 2012 avec une crise politique et un pays divisé en deux. Avec les bandits au nord qui sont à 90% des étrangers pour déclarer l’imposition de la charia . Les filles n’ont plus de portables, ne regardent plus la télévision , elles sont battues , humiliées, violées. On détruit le patrimoine culturel qui a fait la fierté des maliens. Plutôt que de prendre le pouvoir par les armes, nous avons besoin de dialogue et de paix. Le problème du droit d’expression des femmes existe dans les médiations au sein de la CEDEAO où elles ne sont pas présentes. Nous voulons être soutenues par la communauté internationale, nous voulons la libération des femmes, qu’elles jouissent des droits humains. Nous avons besoin de justice sociale de paix. Nous comptons sur vous au Nord. C’est toute l’Afrique de l’Ouest qui va s’embraser sous peu si la communauté internationale n’intervient pas.

Kamel Jendoubi (Impliqué de longue date dans les organisations de défense des Droits de l’Homme tunisiennes, ll est le Président de l’instance indépendante qui organise les élections de la constituante) : Cette instance comporte 160 membres dont une vingtaine d’organisations de la société civile et 70 personnalités qualifiées (journalistes, syndicats, représentants de l’immigration, artistes...). D’entrée de jeu il précise « Nous avons organisé des élections avec la transparence nécessaire pour répondre aux normes de la démocratie. Il s’agissait d’enclencher un processus de nouvelle constitution et retrouver la légitimité ». Il souligne cet impossible paradoxe dans lequel s’est trouvé la Tunisie avec la modernité qui protège de notamment de l’islamisme mais sans la démocratie. La transition n’a jamais été pensée, rien n’est encore joué en Tunisie même si les islamistes ont avancé des pions. La réalité est complexe et riche de contradictions. Les futures élections seront plus déterminantes que celles du 21 octobre (11000 candidats se sont coltinés le terrain pour la première fois dont 5000 femmes qui sont allées dans les campagnes). Rien n’est irréversible. Dans les institutions, des contres pouvoirs sont nécessaires. Les tunisiens sont musulmans en très grande majorité mais avec leur histoire propre, avec une forme de modernité tunisienne (abolition de l’esclavage avant la France...). L’excès de laïcisme a refoulé l’islamisme, avec la difficulté d’arriver à la modernité sans démocratie. Ben Ali et le coup d’état médical a poussé au bout les limites de la modernité autoritaire. Le syndicalisme est ici le plus puissant d’Afrique, il est un élément de construction de l’Etat national et de la démocratie. On découvre des problèmes qui nous ont échappé . Nous devons nous saisir de trois questions importantes tels que le statut de la femme, la question coloniale et celle de la liberté. La présence des femmes dans les révolutions est un élément important. La prise de pouvoir des islamistes cache une réalité beaucoup plus complexe et beaucoup plus riche que la vision que nous en montre les médias en particulier occidentaux. En Tunisie, plus de 3000 associations ont été créées. Beaucoup d’associations sont financées par le Qatar et l’Arabie Saoudite qui ne sont pas forcément des fers de lance de la démocratie. L’évolution des islamistes mérite notre attention : Il y a une diversité chez les islamistes. Il y a beaucoup trop d’œuvres en arabe qui n’ont pas été traduites et sont porteuses aussi de certains éléments de modernité. Il y a beaucoup de militant islamistes sur des bases modérées et l’on se focalise trop souvent sur les éléments les plus radicaux.

Omar Bargouti (chercheur, militants du Droit international et des droits humains en Palestine) : L’arme la plus utilisée contre les opprimés est la culture . La victoire devient un rêve ridicule. On colonise le rêve des opprimés, c’est l’arme la plus forte. La guerre repose sur l’idée de changer la conscience de l’opprimé pour le convaincre qu’il n’est pas digne d’être libéré.. Décoloniser nos esprits, rejeter le racisme sous toutes ses formes pour dire « C’est l’égalité ou rien ». La Palestine sert d’inspirateur dans le monde arabe. Les droits nationaux sont liés aux droits humains. La guerre n’est pas mauvaise pour tout le monde car les industries de l’armement en profitent. Il faut savoir que tout le monde ne veut pas la paix. Les opprimés veulent la paix et la justice car il n’y pas de paix sans justice

Crise du système économique et crises écologiques : les alternatives

Ira Singalia (journaliste grecque et membre du Collectif pour l’audit citoyen de la dette) : Aujourd’hui, on voit que la crise provoque beaucoup de suicides en Grèce. Le pays est un laboratoire pour mettre en place des mesures répressives pour voir jusqu’où elles pourraient être mise en œuvre en Europe. Les gouvernements technocrates ont décidé et saisi le pouvoir à la place du peuple et contre sa volonté. Le peuple répond en s’organisant, en créant des mouvements sociaux comme celui pour un audit citoyen de la dette grecque. Comme ce n’est pas nous qui avons contracté cette dette nous refusons de la payer. Nous sommes contre la légitimation de cette dette. Nous demandons une cessation des paiements. Il faut effacer cette dette que nous considérons comme illégale. Nous rejoignons les mouvements anticapitalistes qui se retrouvent dans les partis de gauche. Nous essayons encore de comprendre qu’elle était le vrai coût des jeux olympiques d’Athènes. Il n’y a pas d’évaluation officiel de leur prix. Nous avons rencontré des obstacles pour accéder aux sources d’information et ceci malgré l’appui de députés. L’enjeu pour le mouvement du square Syntagma est de pas être contrôlé par un parti politique quelconque. L’autre défi grave auquel nous sommes confronté est celui de l’entrée des Néo-nazis au parlement grec qui développent leur position à partir d’actions de solidarité auprès des populations sur des bases discriminatoires. Il s’agit aussi pour nous de réinventer notre action pour renforcer nos positions aux yeux des citoyens. Nous avions l’impression d’être seuls en Grèce pour exiger plus de démocratie, plus d’égalité : Nous devons façonner une nouvelle société qui soit pour les peuples et renforcer les liens avec les mouvements des autres pays.

Moema Mirada (Anthropologue et directrice d’IBASE au Brésil) : Nous sommes confronté au monde de la finitude. L’Europe dans son eurocentrisme a poussé à l’exploitation des ressources et à une conception du bonheur centré sur la consommation de biens sans limite. Le danger de ce système est qu’il a besoin du toujours plus pour fonctionner. Il faut bien se dire que les humains ne sont pas supérieurs à l’ensemble de la nature. La vérité actuelle ne nous a pas amené très loin. A Rio beaucoup de pays se sont réunis avec des concepts très différents. Les autochtones ont apporté cette dimension de la mère terre (La Pachamama). Le Brésil ne doit pas devenir le membre des pays riches et doit construire des concepts qui vont au delà de la colonisation. Aujourd’hui il n’y a pas de justice sociale sans justice environnementale. Il faut sortir d’un modèle eurocentré. Comment garantir une qualité de vie à toute la population ? Nous luttons parfois entre nous comme si notre ennemi n’était pas le système mais les compagnons proches pour arriver à des discussions creuses. Il faut arrêter de lutter entre les tendances sociales pour poser des questions profondes. Il s’agit de reconstruire l’utopie, d’emprunter d’autres chemins dans le cadre d’un dialogue pluraliste.

Geneviève Azam (économiste et membre du Conseil Scientifique d’Attac France) : Face à l’effondrement de nos sociétés nous avons besoin de reconstruire un monde commun à partager. L’économie n’est qu’un moyen pour construire ces modèles de société du mieux vivre ensemble. Le développement durable ne se traduit qu’en terme de croissance sans se poser le problème de la limitation de l’accumulation des richesses. Il faut plus parler de modèle de société que de modèle de développement. Le développement n’est pas forcément la voix pour vivre mieux : Nous sommes dans la crise du développement. Les populations se battent au sud non seulement pour leurs droits mais aussi pour défendre leur lieu de vie. La conception de notre modèle de société n’est pas à séparer de la question des limites de nos écosystèmes. La croissance verte, économie verte ou propre ? Le problème est que le « Vert » de l’économie verte repose sur l’exploitation de la biomasse et de la biodiversité pour alimenter le système capitaliste.
Si on veut changer de paradigme, on doit s’interroger sur ce que sont les richesses quand elles ne sont pas empoisonnées comme le cas de l’uranium au Niger. Le temps du monde fini commence. C’est une chance... cela permettra de penser le monde sous le signe du partage, de la solidarité. Au Brésil dans ce scénario de guerre économique, l’Europe a déjà perdu. L’Europe a été quasiment absente lors du dernier sommet de Rio. Il faut se saisir de cette crise pour inventer autre chose, enclenchons cette transition.

 Voir le site de l’Université d’été de la solidarité Internationale

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