La MDH était représentée par une délégation de 9 membres à laquelle s’ajoutait la présence de trois partenaires internationaux dont la venue était prise en charge par le CRID. Plusieurs enjeux s’imposent à nous tels que le développement des quartiers populaires dans un contexte de crise démocratique et sociale. Cinq participants en lien avec les Conseils Citoyens de Beaubreuil et de la Bastide faisaient partie de la délégation.
Cette participation de la MDH représentait plusieurs enjeux :
Le premier a été celui d’inviter des habitants de Beaubreuil et de la Bastide impliqués dans des dynamiques citoyennes à participer à cette université qui comportait des temps d’échanges sur diverses problématiques qui les concernent telles que les programmes de rénovation urbaine et de relogement, les discriminations et les violences policières dont sont victimes les habitants des quartiers populaires, les difficultés d’accès à l’emploi et aux services publics, les questions liées aux migrations… De leur point de vue ces nombreux ateliers ont été riches d’enseignements même si certains thèmes étaient insuffisamment approfondis, comme celui du travail. Les membres de la délégation ont été parfois surpris par la grande radicalité de certains intervenants, les échanges ont donné à réfléchir sur la manière de mener des actions et l’importance de bien penser à la forme qu’elles doivent prendre afin de mieux répondre aux besoins des habitants et trouver des axes de dialogue avec les pouvoirs publics. Cette université a été aussi l’occasion de faciliter les contacts avec les acteurs des autres villes et de la région parisienne, ce qui offre des possibilités plus grandes de mise en réseau.
Le deuxième enjeu pour la MDH a été de s’entretenir longuement avec les partenaires internationaux en particulier sur des questions liées au contexte international.
L’Afrique de l’ouest
Il faut dire que le partenariat entre la MDH et le REZAS est particulièrement impacté par la crise diplomatique qui s’est aggravée durant l’été entre le gouvernement français et la junte militaire désormais au pouvoir au Burkina Faso. Suite à la décision du gouvernement d’ interrompre toutes les actions d’aide au développement avec ce pays, nous avons reçu une directive de la Région Nouvelle-Aquitaine de suspendre les projets en cours que nous avions dans le cadre de la coopération avec la Région du Plateau Central au Burkina Faso.
Par ailleurs les services consulaires des deux pays ont réciproquement suspendu la délivrance des visas ce qui revient à réduire les possibilités de déplacement à zéro. Hamado Simporé, président du ReZAS qui a néanmoins pu être présent à Bobigny a témoigné sur le fait que la population burkinabè a largement soutenu le putsh militaire, et qu’il y a une défiance forte vis à vis du pouvoir français. Les reproches sont multiples : après plusieurs décennies de coopération la population demeure dans un grande pauvreté, l’aide militaire française n’a pas permis une lutte efficace contre les organisations terroristes, et le fait de conditionner les aides à toutes sortes d’injonctions est désormais perçu comme étant une atteinte à la souveraineté du pays...
Parmi les sujets qui préoccupent la MDH il y a ceux des Droits humains et de la Démocratie. Cependant, aborder ce thème s’avère délicat : Le pouvoir français est beaucoup identifié en Afrique comme un donneur de leçons illégitime en matière de démocratie alors qu’il pratique une certaine forme de deux poids deux mesures en fonction des liens d’amitiés noués avec les dirigeants africains qui trop souvent cherchent à se maintenir au pouvoir indéfiniment.
Dans un contexte où la démocratie est en crise à des degrés divers partout dans le monde, il faut se préoccuper de la montée de l’extrême droite et des nationalismes en Afrique comme en Europe. Force est de constater qu’il y a une forme de Panafricanisme porté par des personnalités issues de la sphère d’influence de la Russie comme Kémi Séba (qui a longuement fréquenté les mouvements d’extrême droite et nationalistes en France et en Russie) ou Nathalie Yamb dite la « Dame de Sotchi », oh combien populaires en Afrique et qui pourraient faciliter la mise en place de gouvernements autoritaires. L’enjeu est ici de savoir si les sociétés civiles africaines, qui ont pourtant bien des choses à nous apporter pour amener une régénération de la démocratie adaptée à leur propre contexte et en rupture avec les injonctions des pays occidentaux, arriveront à échapper à ces autres formes d’impérialismes.
L’Amérique du Sud
Du côté de notre partenaire d’Amérique Latine Thydewa (Espérance de la terre) ils se sont fait les portes voix de la question principale qui préoccupe les peuples amérindiens : celle de s’inquiéter de l’avenir de l’humanité dans un monde qui porte de plus en plus d’atteintes aux grands équilibres écologiques. Pour eux l’importance de cette université d’été était d’entrer en contact avec les autres acteurs français et internationaux.
Leur projet est de promouvoir l’interculturalité, dans la conviction qu’il y a urgence que l’humanité dans son ensemble se sente davantage reliée à la Terre afin de mieux la respecter et aussi de faire en sorte que les tensions entre les humains s’apaisent. Il faut dire que leur démarche s’appuie sur une notion du travail sur l’interculturalité beaucoup plus ouverte que l’occidentale à l’empathie, l’émotion et la spiritualité conçus comme autant de plans sur lesquels tisser des relations d’amitié et de solidarité entre les peuples, et comme un moyen, aussi efficace que l’analyse et la réflexion, de construire un récit commun de paix et attention à la Nature. Cette approche, qui a beaucoup intéressé les membres de notre délégation et un bon nombre d’acteurs internationaux pour ses potentialités novatrices de nos pratiques d’éducation populaire et d’ECSI centrées sur l’interculturalité, peut ne pas aller sans soulever de perplexités dans un pays comme la France, dont la société est profondément marquée par le rationalisme hérité des Lumières. Cela vaut d’autant plus en ce moment, où l’on voit se profiler dans le discours public une conception quelque peu outrancière du principe de laïcité qui risque de rendre simplement inaudible toute référence, dans l’agir politique, à une sensibilité plus profonde pour ce qui unit les humains et leurs causes.
En dépit de ces écueils, des projets qui pourraient déjà concrètement aboutir consisteraient dans la réalisation d’outils pédagogiques et d’information pour faire connaître ici la réalité des peuples indigènes d’Amérique du Sud, eu égard non seulement à leur luttes, mais aussi à leur culture et au message qu’elle nous livre pour ouvrir sur des nouvelles bases le dialogue avec la notre.
A lire l’article sur le bilan global de l’université