Durant la deuxième quinzaine de décembre 2013, la caravane Alimenterre a été organisée sur l’ensemble des sept communes de l’Oubritenga au Burkina Faso. Elle consistait à proposer au public un spectacle de théâtre forum présenté par la compagnie Tnoz de Ziniaré. Son but était de sensibiliser le public sur les questions agricoles. Elle a été co-organisée dans le cadre du programme Fasolim par les Conseils Régionaux des Jeunes du Plateau Central et du Limousin, la Compagnie Tnoz, la Maison des Droits de l’Homme et avec l’appui d’un ensemble de partenaires locaux de l’agriculture [1]
Les soirées ont mobilisé un public relativement conséquent allant de 250 à 600 personnes pour chaque séance. Le spectacle présenté en langue locale (le Moré) a permis de faire un important travail de sensibilisation auprès des populations qui vivent très majoritairement de l’agriculture. Parmi les thèmes qui ont été mis en avant dans le spectacle, on peut relever l’intérêt d’une agriculture qui soit plus respectueuse de l’environnement et moins utilisatrice d’intrants ainsi que la problématique de la gestion des terres. Il a été notamment beaucoup question de l’usage de certaines techniques agricoles comme l’emploi de la fumure organique plutôt que les engrais chimiques, de l’usage des cordons pierreux pour conserver l’humidité des sols ou encore l’utilisation de la graine du neem (le margousier) pour produire un répulsif naturel permettant d’éviter l’utilisation des pesticides.
L’organisation de cette tournée a été aussi l’occasion de rencontrer un nombre relativement conséquent d’acteurs du monde agricole de la Région du Plateau Central ce qui permet d’avoir une petite idée de différents enjeux touchant à l’agriculture :
On peut constater en premier lieu que l’agriculture biologique connaît un certain développement depuis quelques années au delà de ce qui se faisait déjà. Les échanges entre la Région Limousin et celle du Plateau Central ont permis en partie de développer ce type de pratiques agricoles sur plusieurs communes de l’Oubritenga. Même si les agriculteurs rencontrent des difficultés au départ pour revenir à ce type d’agriculture plus respectueuse de l’environnement, les acteurs rencontrés ont constaté des résultats positifs avec une amélioration de la qualité des productions, des compétences acquises dans ce domaine et une envie de poursuivre sur cette voie qui va dans le sens de la souveraineté alimentaire.
La question des semences
Sur l’ensemble du territoire de l’Oubritenga, la nécessité de disposer de semences de qualité apparaît comme un enjeu vital. Dans une région où la période des cultures se trouve limitée à la saison des pluies (en dehors des cultures proches des retenues d’eau), il est important que les paysans disposent de semences qu’ils peuvent réutiliser plusieurs années. Les acteurs du monde agricole parlent beaucoup des "semences améliorées" et de la recherche qu’il faudrait développer afin de garantir la « sécurité alimentaire ». Reste à savoir si celle-ci va passer par un travail basé sur de la recherche publique, qui visera à améliorer les semences paysannes dans un objectif d’intérêt général, ou par des solutions soit disant miracles proposées par une firme comme Monsanto. On voit bien quels seraient les intérêts financiers pour cette dernière qui consisteraient à proposer des semences brevetées d’OGM. Ces semences seraient peut-être capables de pousser dans un contexte de sécheresse avancée mais qui risquent fortement d’exclure un grand nombre de paysans d’un accès à un revenu décent comme cela est déjà perceptible dans les filières où les OGM sont employés. Tel est le dilemme qui semble traverser la Confédération Paysanne du Burkina Faso, qui sur le plan national s’oppose officiellement à l’agro-business et à l’utilisation des OGM, mais qui a vu sa fédération des agriculteurs cotonniers se prononcer en faveur de l’emploi des OGM. Il faut dire que le coton revêt une importance stratégique au Burkina Faso, notamment dans les régions du Sud-ouest, le pays est d’ailleurs le premier producteur d’Afrique de l’Ouest avec une part importante de la production tournée à l’exportation.
En Oubritenga, on parle davantage de la problématique de l’accès à la terre que de celle de l’accaparement des terres. Le premier problème est celui de l’accroissement démographique avec les familles qui se retrouvent de plus en plus nombreuses à se partager les mêmes terres. Cependant, dans les communes proches de Ouagadougou, comme à Loumbila, on assiste à une pression foncière accrue notamment le long des axes routiers et avec le projet de nouvel aéroport international qui se situera près du village de Donsin.
Des expériences importantes
En Oubritenga, on dénombre un certain nombre d’expériences d’envergures intéressantes qui visent considérablement à améliorer les conditions de vie dans une région grandement concernée par l’avancée de la désertification. Il y a en premier lieu l’expérience lancée par Henri Girard avec l’implication des villageois dans le secteur de Guié sur la commune de Dapélogo. Un programme important a été mis en place nommé "Terre Verte’. Il consiste à développer un système de bocages favorisant la conservation de l’humidité des sols, le reboisement et l’activité économique des populations locales. Sur la commune de Ziniaré, une association s’est constituée à Koassanga pour travailler sur divers axes qui concernent en partie l’agriculture. Il s’agit du développement de latrines permettant la réutilisation des urines et des fèces hygienisées, du développement de l’agriculture biologique, de la lutte contre le déboisement et de la mise en place de formations. Sur la commune de Zitenga le Président de la Région Limousin a aussi inauguré en décembre 2013 la nouvelle station solaire de Yamana qui est destinée à faire fonctionner la station de pompage pour l’irrigation des cultures. Voici autant d’exemples qui sont déjà repris ou envisagés pour d’autres localités.
Des coopérations et des mutualisations possibles
La réalité de l’agriculture en Oubritenga comporte à la fois de fortes différences mais aussi des points de convergences avec le Limousin. D’une façon générale, le contexte au Burkina Faso est plus difficile avec des conditions climatiques plus rudes, des moyens techniques et financiers à la disposition des paysans pour développer leurs filières bien plus limités. Cependant de nombreux points de convergences et de mutualisations existent et sont très certainement à travailler entre les deux territoires : tels que la question du droit d’accès à un revenu décent et la souveraineté alimentaire, la préservation et le développement des filières de production de qualité qui prennent en compte la sauvegarde de l’environnement et de la biodiversité . Les acteurs locaux rencontrés ont montré un certain dynamisme et un courage pour faire face à ces défis avec une certaine expérience et une expertise acquise. Il y a là un vaste champ pour développer à la fois des actions de coopération, de mutualisation et finalement renforcer les acteurs des deux territoires notamment en terme de plaidoyer pour faciliter la transition vers une agriculture durable.
Des liens pour en savoir plus :
– Le projet Terre Verte
– L’expérience de Koassanga
– Le site de l’ONG APIL
– le site ABC Burkina pour une approche sur l’ensemble du Burkina Faso
– Article de Bastamag concernant le développement des OGM au Burkina Faso
– La page "Fasolim" sur Facebook
– La plateforme ressources Alimenterre