
La Conférence des parties (COP21) autrement qualifiée de sommet sur le climat s’est achevée le samedi 12 décembre, sur le site du Bourget en banlieue parisienne, par l’adoption d’un document "Convention-cadre" sur les changements climatiques de 39 pages. Un bon nombre d’observateurs en retiennent à la fois des aspects positifs et négatifs qui traduisent un nouveau rapport de force entre les états, les multinationales, et les ONG dans lequel interfère désormais les conséquences de plus en en plus évidentes du réchauffement climatique.
Au regard de la surpuissance des multinationales et des pays riches en terme de poids dans les précédentes négociations, un grand nombre d’ONG s’attendaient surtout à un accord à minima. Même si celui-ci se révèle relativement indigent par certains aspects, on peut quand même relever que quelques ’acquis ont pu être obtenus de haute lutte. Bien en amont, les pays membres du G77 ( les émergents et les pays considérés comme en voie de développement) sont arrivés au moins en partie à se faire entendre sur plusieurs points : Bien avant la conférence, ils ont su taper du point sur la table pour dénoncer l’objectif initial des 2° de réchauffement qui engendrerait déjà des catastrophes considérables pour beaucoup d’entre eux voir même leur disparition pour certain autres en raison de la montée du niveau des océans. Cette même pression a été maintenue durant tout le sommet d’où une première référence que l’on trouve dans cette accord d’une limite des 1,5 degrés qu’il ne faudrait pas dépasser tout en laissant apparaître l’autre objectif des 2 degrés sans doute plus atteignable.
Dans la même dynamique, alors que les pays du nord ont plaidé pour une participation de tous à la lutte contre le réchauffement, les autres pays ont du se battre bec et ongle pour obtenir une différentiation dans les moyens à mettre en œuvre suivant que les pays soient riches ou pauvres. Une autre question a constitué un véritable sujet de discordes comme chercher à compenser les pertes et les dommages liés au réchauffement climatique. Il s’agit alors de mettre en place un mécanisme qui fasse payer les principaux pollueurs de la planète afin d’indemniser ceux qui sont les principales victimes du réchauffement climatique. Même si les discussions se sont révélées très ardues notamment en raison du manque de volonté des pollueurs à être les payeurs, l’accord inclut au final un dispositif d’indemnisation qui devrait s’élever au minimum de 100 milliards de $ par an à partir de 2020.
Le dernier aspect positif que l’on peut principalement relever dans cet accord est la perspective affichée d’en finir avec les énergies fossiles à l’horizon 2050. Même si cette référence se révèle très évasive par rapport à un accord qui se voudrait contraignant, elle démontre, que d’une certaine façon, aujourd’hui, le monde aurait enfin pris la mesure des effets dévastateurs qui surviendraient avec la poursuite de la course effrénée à la carburation des énergies fossiles que nous connaissons depuis plus d’un siècle.
En contre point des aspects positifs, un certain nombre de grosses lacunes
En contre point de ces aspects positifs, beaucoup d’observateurs s’étonnent en premier lieu de cette mention faite à l’idée de rechercher une limitation à 1,5 degrés alors que la somme des engagements qui ont été pris par les différentes parties, lors de la COP21, amènent plutôt à un dépassement des 3 degrés à la fin du siècle. Voici donc une sacrée contradiction que les prochains rendez-vous planétaires sur le climat devront résoudre sans doute par plus de contraintes et avec un calendrier très certainement plus serré que prévu !?!
Parmi les grosses faiblesses de l’accord, beaucoup d’ONG ont relevé la très grande réussite qu’ont eu les multinationales à faire échapper des pans entiers de l’économie mondiale à cette cure de sobriété énergétique.
Ainsi dés le début de la deuxième semaine, il n’était déjà plus question de mettre en oeuvre des taxations sur les transports aériens et maritimes qui sont pourtant responsables de 10% des émissions de gaz à effet de serre.

De façon plus stupéfiante encore, on peut dire que le secteur de l’agrobusiness s’en sort bien avec la disparition de toute mention à la "sécurité alimentaire" au profit de la "production alimentaire". Ainsi le présent accord constitue une nouvelle porte ouverte à ce que beaucoup considèrent comme de fausses solutions tels que le développement des agrocarburants qui entrent déjà en compétition avec la production alimentaire à destination des humains, l’encouragement à l’accaparement des terres ou la liberté d’intervention laissée aux semenciers qui entendent travailler dans le développement des OGM et de la biopiraterie au détriment des petits agriculteurs qui sont majoritaires dans le monde.
Plusieurs acteurs s’inquiètent aussi des marges de manœuvre laissées à ceux (les docteurs Fol-amour) qui pourraient jouer à manipuler le climat sans un contrôle citoyen suffisant dans des domaines tels que la géoingéniérie, le développement des puits de carbone... et qui visent à faire oublier qu’aujourd’hui il y a un enjeu important : celui que la société s’engage dans une sobriété de l’utilisation des ressources de la planète, qu’elles soient minières, énergétiques ou relevant de la sauvegarde de la biodiversité.
Les droits de l’homme comme l’importante question de la protection des déplacés environnementaux ont été relégués dans les préambules
On pourra se souvenir que le jeudi 10 décembre 2015 (le jour anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme) les délégations russes et saoudiennes ont réussis à reléguer et déconstruire ainsi la mention relative aux "droits de l’homme" clairement défini au départ dans l’article 5.3. La référence figure désormais dans les préambules d’une façon beaucoup moins contraignante. La reconnaissance qui était aussi faite aux déplacés environnementaux et qui aurait ouvert une voie à la reconnaissance de leur statut a notamment disparu dans le même mouvement avec une simple référence au mot "migrants" dans un paragraphe fourre tout des préambules. Dans ceux-ci, bien des éléments qui peuvent contribuer chacun à un monde plus juste et durable ont été reléguée (Le onzième paragraphe de loin le plus long des préambules - page 23).
Quid du projet de Déclaration des droits de l’humanité ?

Au printemps 2015, François Hollande avait missionné Corinne Lepage (Ancienne Ministre de l’Environnement) pour formuler des recommandations en matière de droits humains pour la COP21. Un groupe important d’éminents spécialistes en matière de droit international et de droit de l’environnement s’est constitué autour de Corinne Lepage pour élaborer un projet de déclaration des droits de l’humanité à présenter lors de la COP21. Elle s’est inspirée notamment des travaux qui ont été menée par le Centre International de Droit Comparé de l’Environnement de l’Université de Limoges. Au même titre que la souveraineté alimentaire, les droits des peuples autochtones, les réfugiés environnementaux, les droits de l’homme... Celle-ci n’a pas reçue l’audience que l’on devrait pouvoir espérer des négociateurs de la COP21 même si une présentation officielle en a été faite sur le site du Bourget le mercredi 9 décembre. Au final François Hollande y a fait une référence que l’on pourra juger comme relativement timide ou alambiquée dans son discours de clôture en affirmant qu’a propos de l’accord de la COP21 : "eh bien grâce à vous aujourd’hui, vous venez de proclamer les droits de l’Humanité". A lire l’article en focus sur ce projet plus ambitieux que cela, qui devrait faire peu à peu son chemin dans les années à venir et dont le but est de venir renforcer les déclarations précédentes comme la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948.
Plus que jamais la mobilisation doit se poursuivre pour défendre la justice climatique !

Du côté de la société civile, les conséquences des attentats terroristes et la mise en œuvre de l’état d’urgence ont été très préjudiciables à ce qu’aurait pu être la mobilisation des citoyens. Toutefois de nombreuses manifestation ont pu montrer grâce à leur caractère pacifique, la qualité des revendications et des alternatives qui sont portées par un grand nombre d’acteurs pour défendre le principe de la justice climatique comme la tenue du Sommet citoyen mondial à Montreuil, les nombreuses expressions d’acteurs de la société-civile dans les espaces ouvert au public sur le site du Bourget ou encore à travers l’engagement des 1000 responsables de collectivités locales le 4 décembre à l’Hôtel de Ville de Paris à lutter contre les effets du changement climatique. L’ultime mobilisation citoyenne du champ de mars à Paris le 12 décembre qui a rassemblé autour de 20 000 personnes a été l’occasion de rappeler que la COP21 n’était pas un aboutissement mais une étape pour une mobilisation plus large à l’échelle mondiale pour défendre la justice climatique : celle qui prend en compte à la fois la défense des droits de l’Homme et celle de l’avenir de la planète.
Références :
– Pour télécharger le texte intégral de l’accord (39 pages)
– Le Communiqué de Coordination SUD "Négociations climat : Un accord qui ne prend pas réellement en compte les intérêts des plus vulnérables"
– Une sélection de réactions à chaud d’organisations sur le site du Réseau Action Climat
– Le Communiqué du CCFD Terre Solidaire pointant notamment les faiblesses du texte sur le plan agricole
– Les prises de positions d’Attac France sur l’accord de Paris
– La déclaration de Paris (Sommet des maires du 4 décembre à l’Hôtel de Ville de Paris]
– Le site relatif au projet de déclaration des droits de l’Humanité
– Le discours de clôture de la COP21 du Président de la République
– Le billet de Jean Marc Lavieille à lire sur son blog "Accord de Paris sur le climat : reflet de puissances et d’ impuissances"