Limousin : L’utilité sociale et le secteur associatif

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Dans l’amphi des locaux de Khéops lors de la table ronde du matin avec Carole Saleres de l’UNIOPS (à gauche) et Marc Delepouve d’ATTAC (à droite)

Vendredi 27 novembre, la Conférence Permanente des Coordinations Associatives (CPCA) du Limousin organisait à Limoges une rencontre autour de la question "Intérêt général ou utilité sociale : Quelles spécificités des associations ?

Cette journée a montré à quel point les processus de libéralisation et de mise en concurrence inspirés par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) se sont immiscés sur le plan juridique aux différents niveaux européens, nationaux ou locaux. L’importance de la capacité des citoyens et des associations à s’emparer de la définition de ce que doit être "l’utilité sociale" et de ses modes d’évaluations a été soulignée face à ce contexte d’offensive généralisée contre la notion même de service public et de remise en cause des solidarités.

Alain Détolle (Rédacteur en chef de la Navette), en ouverture de la journée, a directement souligné l’opposition qu’il y avait, dans le monde, entre ceux qui estiment que l’intérêt général est égal à la somme des intérêts particuliers et ceux qui considèrent que l’intérêt général dépasse la simple addition des intérêts de chacun. Au niveau de l’Etat, la notion d’utilité sociale se distingue surtout dans les services fiscaux qui font la différence entre ce qui relève du secteur marchand et ce qui n’en relève pas. Cependant la notion d’intérêt général ne doit pas se mesurer qu’en fonction des aspects économiques. L’utilité sociale relève aussi d’une action citoyenne qui s’inscrit dans des formes de démocratie participative.

Marc Delepouve (Secrétaire général d’ATTAC France et membre du Conseil Scientifique de cette organisation) a, dans une approche historique, clairement montré que le monde était dominé par un groupe d’acteurs qui vise à imposer dans tous les secteurs de la vie humaine une doctrine néo-libérale basée sur l’individualisme et la concurrence. Il a expliqué combien, au cours de ces dernières décennies, ce processus d’impérialisme idéologique a progressivement affaibli ce qui avait pu être construit, notamment en France, par le Conseil National de la Résistance, au lendemain de la seconde guerre mondiale, sur le plan démocratique et social. Les services publics ont été profondément attaqués notamment par la remise en cause de l’indépendance des agents et des établissements de la fonction publique. Des processus d’évaluation contre-nature sont utilisés comme des éléments moteurs pour la privatisation et le développement des comportements individuels. Dans les négociations portées par l’OMC, on trouve l’Accord Général sur le Commerce des Services qui vise avec la privatisation à déconstruire les solidarités et la démocratie au niveau des services publics et des activités portées par le secteur associatif. Plus que jamais, ce tiers secteur se pose comme un rempart central contre cette offensive néo-libérale car il est en capacité de porter des valeurs et de proposer des contre-modèles qui nous ramènent vers du plus "collectif"

Carole Saleres (Conseillère technique du pôle Europe au sein de l’UNIOPSS) est intervenue pour montrer comment ce même processus entre en action dans le domaine des règlementations européennes et entraîne progressivement une mise en concurrence du secteur associatif.
Elle a précisé en premier lieu que le champ associatif était de plus en plus pénétré par le secteur lucratif. Le traité de Lisbonne entre en vigueur le 1er décembre 2009 d’où l’importance de préciser les règles qui peuvent affecter le domaine associatif et qui sont de trois sortes :
 Les règles du marché intérieur concernant les règlementations et autorisations ne doivent pas faire obstacle à la libre concurrence,
 le droit à la concurrence vise à règlementer les aides d’Etat pour favoriser cette même concurrence,
 la contractualisation doit s’organiser dans les mêmes conditions, favorables au libre marché.
Pour ces différents aspects, elle a montré qu’il pouvait y avoir des résistances comme quand certains députés européens sont intervenus pour modifier la directive "service" ou quand tel ou tel ministère qui, à titre dérogatoire, peut abroger ou retarder certaines mesures visant à la mise en concurrence.
Dans cette dynamique, la mise en concurrence est élevée comme étant une garantie de la meilleure efficacité dans l’utilisation des ressources et apparait comme un élément contribuant à l’intérêt général.
On en arrive à cette volonté de vouloir quantifier ce qui est au coeur de l’humain. Quelque part on finit par entrer dans des effets pervers d’un processus qui peut aboutir à une forme de déshumanisation.

Les méthodes d’évaluations et la vision de l’utilité sociale portés par le mouvement associatif

Christophe Andreux du Réseau Ecole et Nature a présenté l’outil d’évaluation qui est en oeuvre sur le plan national au niveau des acteurs de l’éducation à l’environnement. Laurent Mirou de L’Union Régional pour l’Habitat des Jeunes a explicité la démarche locale mise en place pour évaluer l’utilité sociale en vue de négociations vis à vis des partenaires. Dans les deux cas l’importance du lien social qui peut s’établir entre les acteurs associatifs et les publics bénéficiaires de services a été soulignée. Au delà des évaluations purement quantitatives, l’importance des processus démocratiques dans la mise en oeuvre des actions et le travail sur le renforcement du lien de confiance entre les acteurs impliqués ont été relevés.

Hélène Duclos de Culture et Promotion, en présentant les outils nationaux sur l’évaluation a montré une forte richesse des modèles conçus dans tous les secteurs du monde associatif. D’une structure à l’autre rien n’est obligatoirement transposable en terme d’utilité sociale. Dans chacun des secteurs associatifs, des modèles sont développés et peuvent s’adapter en fonction des différents projets associatifs. Ainsi l’efficience de l’évaluation reposera de façon importante sur la mutualisation des expériences et la constitution de réseaux de solidarité entre les structures. Il faut s’écarter d’une démarche qui obligerait le secteur associatif à se plier à une forme de standardisation ou de modélisation à outrance de ses activités. L’enjeu est bien, pour le secteur associatif, de savoir développer une forme d’expertise citoyenne, de sauvegarder la diversité de ce secteur, de maintenir la cohésion sociale et la solidarité au sein de la société.

La journée s’est conclue sur l’importance de la concertation qui doit se maintenir et se développer entre les acteurs du secteurs associatifs, les représentant de l’Etat et des collectivités territoriales sur cette question.

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